L'archipel des San Blas ou Kuna Yula
Les Kunas et leur histoire
La société kuna
La maison du Congrès
La langue kuna
L'habitat
L'alimentation
La tenue vestimentaire des femmes
Les Molas
La religion
Les fêtes
Danses et musique
L'avenir
L'archipel des San Blas ou Kuna Yala
La comarca (région) de San Blas, appelée Yuna Yala par ses habitants, les indiens kunas, s'étend sur toute la côte nord-est du Panama. Elle est constituée d'un chapelet d'îles d'origine coralliennes et d'une étroite bande de terre lui faisant face sur le continent.
Yuna Yala a vraiment tout du paradis sur Terre : petites îles désertes dans le bleu profond de la mer des Caraïbes, plages de sable blanc et de cocotiers ourlées des eaux turquoises et claires des lagons. La vigilance constante du peuple kuna a permis à ces îles de demeurer encore aujourd'hui vierges des grands complexes touristiques.
L'archipel est divisé en 3 zones. La zone Ouest s'étend du golfe de San Blas à Niadup (Devil Cays), la zone centrale va de Aridup (Ratunes Cays) à Ustupu, et la zone Est de Tupbak (Isla Pinos) jusqu'à le frontière colombienne. Chacune de ces 3 zones est dirigée par un Cacique représentant la population Kuna auprès du gouvernement panaméen.
Les Kunas et leur histoire
Les Kunas, comme la plupart des peuplades d'Amérique, viennent de migrations d'Asie passant par le détroit de Béring. Des signes de présence humaine datant de 11 000 ans furent retrouvés au bord du lac Madden et des traces d'agriculture datant de 3 500 ans ont été découvertes. La population kuna s'élevait à 500 000 à l'arrivée des espagnols.
1519 : Le gouverneur fondateur de Panala City asservit et massacre des milliers d'indiens, obligeant les Kunas à fuir et à s'enfoncer dans la jungle.
1617 : Le kunas migrent vers les San Blas.
1787 : Après de multiples et infructueuses tentatives de colonisation des îles, les espagnols abandonnent l'archipel aux Kunas.
1903 : A la séparation du Panama de la Colombie, les relations entre les kunas et le gouvernement panaméen sont très tendues et de nombreuses îles continueront à être loyales à la Colombie.
1915 : Un gouverneur panaméen est nommé à El Porvenir et s'ensuit une longue série de conflits.
1923 : Des policiers panaméens s'installent aux San Blas. La tension s'accentue.
1925 : Les Kunas partent en guerre contre l'état de Panama et la République de Tulé est proclamée par les Caciques en colère. Les Panaméens répliquent. Les Américains obligant les 2 parties à négocier.
1930 : Le Parlement Panaméen accorde une autonomie partielle aux San BLas.
1938 : Constitution de la Comarca en Réserve Kuna.
1953 : Le Parlement Panaméen accorde vote une loi donnant à la comarca un réel statut juridique et administratif. 3 Caciques représent l'autorité kuna. Le gouverneur panaméne limite l'intervention de l'état au cours de 2 réunions annuelles du Congrès Général Kuna.
La société kuna est une des rares ayant su ou pu, conserver intactes ses traditions et sa culture malgré les multiples tentatives de l'homme blanc pour l'asservir ou l'anéantir.
Vie et société
La comarca de San Blas est une région autonome du Panama. Les indiens Kunas sont les plus sophistiqués et les plus politiquement organisés des 3 principaux groupes indiens du pays. 3
Caciques, un par zone, dirigent une population d'environ 50 000 habitants.
Chaque village est administré par 3 Sahilas chargés de résoudre les problèmes quotidiens de la communauté, choisis en fonction de leur connaissance de la culture et de l'histoire du peuple kuna. Le Sahila est le vrai chef du village ; il est assisté de l'Arcar, son interprète, chargé de traduire les chants religieux du Sahila et du Suar Ibet, son porte-parole chargé d'appeler les gens à l'occasion des réunions, des chants religieux, ou de tout autre événement d'importance.
Viennent ensuite les responsables des biens communautaires : chef des cimetières, chef des festivités, chef des maisons.
Chacun des responsables est assisté d'un secrétaire.
Aucun responsable kuna n'est rénuméré et tout est fait pour le bien de la communuaté.
Tous sont désignés par le peuple et sont nommés à vie, excepté les Caciques élus pour 6 ans.
Toutefois, chacun peut être révoqué par la population en cas de faute grave.
La société Kuna est essentiellement matiarcale. Hommes et femmes y ont un rôle clairement défini. Les hommes sont responsables des affaires publiques : chefs de famille et chefs des communautés. Ils sont chargés de la culture et de la pêche afin de nourrir leur famille. Ils ont aussi la tâche de construire et de réparer les maisons. Les femmes, quant à elles, sont responsables des affaires privées. Elles sont propriétaires des terrains et des maisons de de la transmission des héritages se faient par elles. Elles sont chargées de la tenue de la maison, cuisine, ménage, lessive et passent leur temps libre à coudre des molas. Lorsqu'un couple se marie, l'homme va vivre dans la famille de sa femme et travaille pour son beau-père.
La société kuna est essentiellement matriarcale et le grand-mère est le centre de la familles. Les mariages se font sans papier, par une simple cérémonie.
La femme kuna possède un grand pouvoir au sein de la société. C'est elle qui choisit son époux et c'est au sein de sa famille que vient vivre celui-ci. La naissance d'une fille est l'objet de grandes festivités, car c'est elle qui assussera la lignée.
La séparation est chose admise e la femme n'aura qu'à mettre les effets personnels de son conjoint devant la hutte pour lui signifier son départ. La femme pourra se remarier sans difficulté, tandis que l'homme devra attendre l'accord de son ex-épouse ou le remariage de celle-ci. Ce sont les femmes qui ont la charge de la gestion des dépenses.
La plupart des femmes ont entre 8 et 12 enfants.
La circulation entre les îles est très réglementée. Tout kuna doit obtenir l'autorisation de son Sahila avant de pouvoir quitter son île. Les femmes n'ont théoriquement pas le droit de quitter Kuna Yala. Les mariages raciaux sont très rares et constituaient jusqu'à un passé trsè proche un réel interdit. Lorsqu'un Kuna épousait un étranger, le couple devait impérativement quitter Kuna Yala. Cette volonté de conserver la race pure entraîna un appauvrissement sanguin tel qu'il est fréquent de croiser de nombreux albinos dans les îles.
Toute personne gagnant de l'argent doit impérativement acquitter une taxe à son village de 2 $ par mois. Si les femmmes vendent des molas sur des îles où elles n'habitent pas, elles doivent y payer une taxe de 25 $.
Chaque île pôssède ses propres règles internes.
Les îles et les cocoteraies sont toutes possédées par une ou plusieurs familles.
Les îles à cocoteraie sont gardées par les divers membres de la famille propriétaire. Les personnes chargées de nettoyer l'île et de récolter les noix de coco sont désignées par le Chef des Iles-cocoteraies et doivent rester sur l'île pendant 3 mois et sont ensuite remplacés.
Les terrains sur le continent appartiennent à la communauté où chaque famille peut y entretenir un petit lopin de terre privatif.
Il est strictement interdit de ramasser des noix de coco, même tombées à terre, celles-ci étant une base d'échange.
La pêche, la récolte des noix de coco et la confection des molas sont les principales activités des Kunas. La culture des bananiers a pratiquement disparu et Kuna Yala importe les bananes nécessaires à son alimentation de base. Les kunas travaillent ensemble pour cultiver. Ils se lèvent à 4 h du matin pour aller sur le continent et n'en reviennent qu'à 3 h de l'après-midi. Ils se répartissent équitablement le travail des champs et récoltent du yucca, du maïs, du riz et de la canne à sucre. Ils récoltent également leurs bananes, citrons, mangues et fruits de l'arbre à pain. Toutes les récoltes sont utilisées pour la consommation de la communauté.
La Maison du Congrès
Chaque village possède en son centre une maison communautaire, appelée Maison du Congrès. Cette maison, esssentielle à la vie des kunas, sert autant aux réunions quotidiennes de la communauté qu'aux réunions religieuses. Le Sahila, l'Arcar et le Suar Ibet s'installent dans des hamacs accrochés au centre de la salle et des bancs sont placés autour d'eux pour les personnes participant à la réunion.
Chaque soir de 6 h à généralement 10 h, les hommes mariés se réunissent dans la Maison du Congrès pour parler des prolèmes courants de la communauté et chaque responsable parle des problèmes relatifs à sa fonction.
3 fois par semaine et pendant 3 heures, le Sahila réunit les hommes et femmes et chante des chants religieux contant les histoires de la bible kuna, dans une langue sacrée et ancienne que personne ne comprend. A la fin du chant, l'Arcar traduit ou explique tout ce que le Sahila a chanté.
Régulièrement et pendant 4 jours, les Sahilas de différentes îles se réunissent pour chanter et raconter des histoires de la culture kuna. Tous les habitants de la communauté où se déroule la rencontre doivent participer à la réunion. La culture kuna étant, encore aujourd'hui, uniquement orale, ces réunions sont essentielles pour la sauvegarde de la culture et permettent d'enrichir le savoir des personnes présentes par la connaissance des anciens.
Tous les 6 mois, les Caciques se réunissent pendant 4 jours, à tour de rôle dans chaque communauté afin d'aborder les problèmes généraux de Kuna Yala et un représentant du gouvernement panaméen y est invité. Chaque communauté y est représenté par 4 personnes. Si un kuna en particulier souhaite participer à la réunion pour évoquer un problème, il doit en faire la demande à son Sahila. Sa participation sera gratuite. Toutefois, s'il travaille et gagne de l'argent, il devra payer 10 $ pour son logement et sa nourriture.
La langue kuna
Le Tule Kaya, la langue des indiens Kunas, est utilisée par tous et la majorité de la pouplation ne parle que cette langue. bien qu'aujourd'hui quelques hommes parlent aussi l'espagnol ou l'anglais.
Le plus souvent, l'école primaire est enseignée en langue kuna et l'espagnol uniquement dans le secondaire.
La langue kuna est une langue parlée, aussi n'est-il pas rare d'entendre des différences de prononciation parfois accentuées entre les îles. La transcription écrite des mots s'en ressent. Ce n'est qu'au 20 ème siècle que des missionnaires ont commencé à transcrire cette langue en utilisant l'alphabet latin. Le premier ouvrage important, écrit en kuna fût une traduction de l'Ancien Testament écrite en 1970.
Quelques formes propres au langage kuna illustrent parfaitement la mentalité de ce peuple.
Pour dire je voudrais que tu m'emmènes, oin dira je voudrais que tu souhaites m'emmener. Par ailleurs, les formes négatives sont évitées au profit des formes affirmatives.
En plus de la langue parlée couramment, il existe d'autres formes utilisées uniquement par les chefs lors des cérémonies religieuses ou pour le rite des défunts.
Bonjour (merci, bien, bon) : Nuedi
Bienvenue : Nuee Gambi
Très heureux : Yeritoke
Comment t'appelles-tu ? Je m'appelle : Iki be nuga ? An nuga
Comment vas-tu ? Je vais bien : Be nuedi ? An nuedi
D'où viens-tu ? Je viens de : Bia be nega ? An daniki
Quoi ? : Igui ?
Je ne comprends pas : An acu itogue
Il y a (Y a t'il ?) / Il n'y a pas : Nika (Nika ?) / Sate
Je veux acheter : An baibiye
Bracelet de cheville, foulard, jupae : Uinni, tuunet, saburaat
très joli, bien cousu : Yerta legue, nuedi mague
Mon ami : An ay
Combien : Iki mani ?
A, 2,3, 4, 5, 10 : Soquen, soibo, soiba, soibake, sogatar, sogampe
Pas cher, trop cher : Mani pipigua, yer taileke
Je n'ai pas d'argent : An mani Sate
Oui, non : Ella, suli
A plus tard, au revoir : Sedomalo, tekimalo
L'habitat
Sur les quelques 300 îles qui composent l'archipel, seules 49 sont habitées en permanence. Leur population varie de 50 personnes pour les plus petites à plus de 2000 pour les plus grandes. Les îles villages sont surpeuplées et la terre n'y est souvent visible que dans le dédale des rues étroites.
L'appelation kuna des îles vient originellement des premiers migrants fuyant les espagnols à la recherche d'une terre pour s'y établir. Les noms qu'ils attribuaient sont très imagés : une île pleine de crabes est baptisée Sugtupu (crabe en kuna), une seconde envahie de lapins Ustupu, une troisième pleine de fibre de bois, Tupile. Toutes sont encore aujourd'hui appelées ainsi par les indiens kunas, même si certaines îles ou groupes d'îles, telles Cayos Hollandes sont également connu de leur nom espagnol ou anglais.
Chaque île village fait face à une rivière du continent. Les femmes y vont laver le linge, les hommes y cultivent et y récupèrent l'eau douce. La présence de cette rivière est également importante lors des cérémonies funéraires. A noter qu'afin de se protéger des moustiques et de se prémunir des maladies, aucun grand village n'est établi sur le continent.
Sous l'autorité du Chef des Maisons, le Neyadumat, la construction des maisons est effectuée en commun par tous les hommes du village. Si une maison est construite en une seule journée, elle dure généralement de 10 à 30 ans.
2 huttes et une petite cour composent chaque habitation. Dans la cour, se trouve souvent un bananier et un manguier et parfois un perroquet, une perruche ou un toucan. La première hutte fait office de cuisine et un feu de bois y brûle à même le sol. La seconde sert à la fois de salon et de chambre à coucher.
Dans les îles-cocoteraies, une seule hutte est nécessaire à la famille, la cuisine étant faite en plein air.
Les murs de ces huttes sont constitués d'une armature de bois recouverte de liasses de joncs liées par du raphia, les toits étant constitués d'épaisses palmes de cocotiers. La structure même de la maison est faite à partir de 2 gros poteaux joints en croix et qui sont soutenus par d'autres piliers. Cette structure possède un sens sacré pour les kunas ; la maison symbolise la famille kuna, la croix principale représente l'homme, chef de famille et la femme, âme de la maison, les poteaux qui soutiennent cette croix représentent les enfants et les petits enfants de la famille.
Le mobilier, très sommaire, se limite le plus souvent aux hamacs qui ne sont plus fabriqués par les Kunas mais importés de Colombie, et qui selon l'heure, servent de sièges ou de lits.
La salle de bains - toilettes est une toute petite hutte sans toit, souvent montée sur pilotis, au dessus de l'eau.
Les habitations en bord de mer disposent d'un petit ponton privé pour la barque du propriétaire et d'une place pour la hisser au sec chaque soir. Ces cayucos sont creusés d'une pièce dans un tronc pour les plus petits ou assemblés pour les plus grands. Construits par des charpentiers spécialisés, ils peuvent durer de 20 à 30 ans. Elément essentiel de la vie kuna, ils servent à tous les déplacements de l'homme ou de la femme. Propriété des hommes, ils représentent une part importante du patrimoine familial.
L'alimentation
La nourriture de base des Kunas est la banane ou le yucca, fris ou cuits dans du lait de coco, et accompagnés de poissons grillés ou bouillis. Ce plat typique et quotidien s'appelle le Tule masi.
Langoustes et crabes font partie des repas de fêtes et sont en général pêchés pour être vendus à Panama City ou aux bateaux de passage.
Grâce aux bateaux assurant une liaison régulière avec les villes de Colon et de Miramar, les Kunas commencent à diversifier un peu leur régime alimentaire et à manger du riz, du poulet ou des pâtes.
Si autrefois, les repas se prenaient en famille, un grand plat posé au milieu du cercle familial où chacun y puisait avec ses doigts, aujourd'hui, les Kunas mangent en couple : les grands-parents ensemble, puis les parents et enfin les enfants. Les adultes célibataires mangeant seuls. La cuisine est faite pour toute la famille, mais les horaires des repas diffèrent. Légumes et poissons sont servis dans 2 plats différents et tous mangent dans une assiette et avec des couverts.