LE TAMURE - POLYNESIE FRANCAISE
L'Ori Tahiti
La danse tahitienne est plus qu'un stéréotype : c'est un enjeu culturel et symbolique.
Aux antipodes d'un folklore touristique, elle constitue l'un des pilliers les plus vivants de la culture maohi et contribue au rayonnement de la culture tahitienne. Dèrrière chaque spectacle, se cachent des mois de répétition, une chorégraphie codifiée, une signification légendaire, une hiérarchie et un sens. Dans ce pays de tradition orale, la danse tahitienne n'est en effet pas qu'esthétique , elle contribue à préserver la mémoire.
Avant l'arrivée des européens, les divertissements dont la danse occupaient une place capitale dans la société. Elle accompaganit les cérémonies sur lemarae et les rituels collectifs. Elle avait même une conntation sacrée, qu'incarnaitt les arioi, ces troubadours acteurs danseures qui se produisanient dans différents clans. Les heiva rythmaient la vie de al communauté et incorporaient des danses , des chantes, et des mimes. Les danses étaient accompagnées par des tambours (pahu) et des flûtes nasales (vivo).
Avec l'arrivée des missionnaires, la danse subit le même sort que le tatouage ou les lieux de culte. Jugée païenne et d'une gestuelle licencieuse, elle fut interdite par le code Pomare en 1819. La pratique perdura dans la clandestiité. A partir de 1895, quelques manifestations de danse, très contrôlées, furent autorisées lors des fêtes célébrant le 14 juillet républicain, appelées Tiurai.
A partir de 1956, Madeleine Moua, ancienne institutrice, modernisa la danse et lui donna une nouvelle image en la débarassant de ses connotations sulfureuses. Elle créa le premier groupe professionnel Heiva, mit au point des costumes et clarifia la chorégraphie tout en puisant dans le fonds culturel des légendes. Depuis, d'autres troupes ont vu le jour et la danse tahitienne a retrouvé sa vitalité, même siles danses actuelles n'ont probablemnt plus grand chose à voir avec les représentations d'autrefois.
Les différents types de danse
Les 5 types de danse sont rarement présentées séparément mais intégrées à un programme où elles sont exécutées alternativement.
L'otea : puissance et rythme
Impressionnant car très physique, l'otea est une danse collective très facilement identifiable. La musique d'accompagnement est uniquement composée de percussions qui produisent des séquences rythmiques sur lesquelles s'exécutent les danseurs. A l'origine, cette danse guerrière étaient uniquement masculine. Aujourd'hui, elle est le plus souvent mixte, mais conserve un caractère viril dans sa gestuelle et son rythme que renforcent les cris des danseurs.
Les pas des hommes et des femmes sont radicalement différents. Les hommes utilisent surtout leurs jambes dans un mouvement très caractéristique et spectaculaire, appelé paoti : jambes fléchies, talons joints et légèrement décollés du sol, ils ouvrent et ferment alternativement les genoux dans un mouvement de ciseau, lent ou rapide selon le tempo donné par les percussions. Chez les femmes, le mouvement de base est le déhanchement, provoqué par la flexion amplifiée et alternative des genoux, pieds à plat. Les hommes ne doivent pas bouger les hanches, chez les femmes, le torse et les épaules doivent rester immobiles. Le répertoire des pas, surtout masculins, est très varié dans l'ote'a : le tu'e (coup de pied en avant), le ui (déplacement latéral ou frontal avec la jambe) et le horo (autre déplacement) sont les plus fréquents après le paoti.
Les mouvements des bras et des mains, placés vers le haut du corps, assez brusques et angulaires sont communs aux deux sexes. Sur scène, les danseurs sont placés en colonnes du même sexe. L'otea inclut parfois des solos : le groupe s'assied ou s'agenouille et à tour de rôle, un interprête ou un couple se lève et danse.
Un thème sous jacent qui peut être évoqué par des accessoires régit la chorégraphie : le volcan, le requin, un événement historique ou une légende.
Très éprouvante, une séquence d'otea ne dure que quelques minutes.
L'aparima : entre chanson de gestes et pantomine.
L'aparima se distingue complètement de l'ota. Plus fluide, plus harmonieux, il enjôle et repose le spectateur. Grossièrement resumé, l'aparima, est une danse mixte qui raconte un récit avec des gestes de la main et des paroles chantées. L'histoire peut être une légende, une romance ou une scène de la vie quotidienne. A la différence de l'otea, ce sont les mouvements des bras et des mains qui prédominent. Bien qu'il n'y ait de langage spécifique (un geste pour une signification), ils sont très expressifs et réalistes : les danseurs miment véritablement la scène en question (pagayer, ouvrir la noix de coco, ...), en se servant éventuellement d'accessoires. L'accompagnement musical se compose de mélodies jouées par les guitares et les ukulele. Les percussions, secondaires, ne font que donner la mesure. Les yeux et le visage des danseurs suivent des mains.
On distingue 2 variantes d'aparima : l'aparima himene, chanté par l'orchestre et les danseurs et l'aparima vava, instrumental où seuls les gestes racontent l'histoire.
Une séquence d'aparima ne dure quelques minutes.
Le hivinau : une ronde née sur le pont des bateaux.
Le hivinau imite la gestuelle des marins anglais, lorsqu'il remontaient l'ancre et criant heave now.
Hommes et femmes forment une double ronde autour de l'orchestre (tambours uniquement) et d'un soliste vocal masculin, le ra'atira hivinau. Le soliste déclame des paroles, et les danseurs qui font office de choeur lui répondent par un refrain type. Les danseurs se croisent ou tournent dans des directions opposées ou tous les deux dans le sens des aiguilles d'une montre. Pendant le refrain, les danseurs de chaque cercle se font face et dansent en couple. Ils reprennent ensuite la ronde. Les pas sont ceux de l'otea en moins complexes. Les percussions se contentent de battre le rythme. Dans le hivinau, c'est surtout le jeu entre le récitatif du soliste et les réponses du choeur qui est prépondérant.
La pratique du hivinau a tendance à se raréfier car elle nécessiste un grand nombre de participants.
La paoa : dialogue et danse
L'origine du paoa remonterait à la fabrication du tapa. Assises en cercle, les femmes chantaient en battant l'écorce pour se motiver. L'un d'elles animait le groupe en lançant un récitatif et les autres lui répondaient. De temps à autres, une femme se levait et effectuait quelques pas de danse.
Un choeur mixte, assis, forme un demi-cercle ; au centre, un soliste vocal masculin déclame des paroles, dont le thème est souvent légendaire ; les membres du choeur lui répondent et soutiennent la mesure en frappant leurs cuisses des 2 mains. L'orchestre, tambours, se tient à côté du soliste. Un couple de danseurs rejoint alors le centre et improvise une danse avec les pas simplifiés du otea, ponctuée de hi et de ha à connotation érotique. Comme dans le hivinau, c'est le dialogue entre le meneur et le choeur qui forme l'élément clé du paoa.
La danse du feu
Cette danse, fréquemment proposée dans les spectacles d'hôtel car impressionnante et très esthétique, serait originaire des Samoa. L'interprète, un homme uniquement, jongle avec une torche enflammée aux deux bouts.
Les danses marquisiennes
Ne se sentant pas tahitiens et cultivant leur particularisme culturel, les Marquisiens ont développé d'autres types de danses, très éloignés du Ori Tahiti. C'est aux Marquises, lors de festivals spécifiquement marquisiens qu'ils se produisent.
La plus connue est le Haka Manu, calquée sur les mouvements d'un oiseau. La danse du cochon, très impressionnate car très physique imite les étapes symboliques de la vie de l'animal. La scénographie, très suggestive est ponctuée de cris rauques (hi et ha). Seules les percussons sont employées. Les tambours, très volumineux peuvent atteindre 1,5 m de haut. En principe, les costumes marquisiens plus sobres que les tahitiens se limitent à des pagnes végétaux.
La musique et ses instruments
Danseurs et musiciens doivent faire preuve d'une harmonie et d'une synchronisation parfaites. Les musiciens se placent généralement sur le devant de la scène, sur le côté pour garder un contact visuel avec le groupe.
Les percussions sont employées pour l'otea, le hivinau, l'aparima vava, le paoa et la danse du feu. Les instruments à corde accompagnent l'aparima himene.
L'orchestre est considéré comme un domaine spécifiquement masculin, surtout les percussions. Très complets, les musiciens jouent des 2 types d'instrument, percussions et cordes et chantent.
Les percussions
Les tambours sont les instruments maohi par excellence. Trois modèles sont employés.
Le toere est un tambour sans menbrane taillé dans un morceau de bois. De forme cylindrique, il est évidé et comporte un fente étroite sur toute ta longueur, ce qui produit la résonance. L'orchestre comprend des toere de taille variable, qui donnent chacun des sons différents. Il se joue de 2 manières : s'il est posé verticalement, le batteur maintient l'extrémité supérieure avec une main et tape avec l'autre main sur le côté fendu avec une baguette ; s'il repose horizontalement sur des trétaux, il est alors frappé avec des baguettes. Les batteurs sont assis à genoux. Généralement, un orchestre comprend de trois à cinq toere.
Le faatetee est un tambour à membrane. Il se joue avec 2 baguettes et repose sur un support destiné à surélever la caisse de résonance.
Le pahu ou tari parau est un tambour à deux membranes, qui ressemble à une grosse caisse. Le batteur joue assis et frappe son tambour posé sur le flanc avec une mailloche pour rendre un son plus sourd.
Les instruments à cordes
Ils représentent les apports occidentaux. L'ukulele vient de Hawaï. Il s'agit d'une mini guitare à quatre cordes. Les guitares stricto sensu font désormais également partie de l'orchestre.
Les costumes
Eléments essentiels des danses tahitiennes, les costumes réalisés à partir de matières végétales contribuent à leur éclat. On a coûtume de distinguer un type de costumes pour l'otea, un autre pour l'aparima.
Pour l'otea, la parure se compose, de la tête au pieds :
- d'une couronne de fleurs fraîches (frangipaniers, tiare, ougainvillées, ...) sur la tête ou d'un volumineuse coiffe, très élaborée.
- de colliers de fleurs ou de coquillages,
- pour les femmes, d'un soutien-gorge composé de 2 moitiés de noix de coco polie teintes en nopir, reliées par une ficelle,
- d'un more ou jupe végétale, réalisée à partit d'écorce de purau, découpée en fines lanières qui sont ensuite cousues et teintes en rtouge et jaune. Chez les hommes, les morre tombent légèrement sous les genoux et s'attachent à la taille, tandis que les femmes, l se nouent sur les hanches et descendent jusqu'aux chevilles,
-d'une ceinture décorative, portée sur le more, composée de fleurs de nacres, de morceaux de noix de coco polie ou de coquillages, la partie inférieure de cette ceinture est munie de pendeloques en fibres végétales ou de coquillages qui rehaussent les déhanchements des danseuses,
- des fibres de purau au mollet pour les 2 hommes,
- de plumets que les danseurs des deux sexes agitent dans chauqe pain, pour souligner les mouvements des bras.
Dans l'aparima, la parure plus sobre se compose généralement d'un paréo, porté à la manière d'un pagne pour les hommes, noué comme une jupe pour les femmes. Des colliers de fleurs ou de coquillages ainsi que des chapeaux sont également utilisés.
Les costumes sont conçus par le chef de groupe en fonction du thème. L'emploi d'accessoires est fréquent pour en renforcer l'évocation. En principe, ce sont les danseurs eux même qui doivent réaliser leurs parures.
Les masques n'ont pas cours dans la danse tahitienne car le regard qui suit les gestes des mains et le sourire ont des effets de scène à part entière.
Les groupes de danse
Une troupe de danse peut déployer jusqu'à 150 participants dans les grandes occasions mais en général, le noyau dur se compose d'une vingtaine de danseurs à l'année.
Il n'existe pap de groupes vraiment professionnels. Les plus connus sont semi-professionnels. Leurs membres se produisent dans les hôtels deux à trois fois par semaine mais le cachet pour le groupe ne permet pas aux exécutants de vivre de cette activité. A Tahiti, les groupes les plus performants sont O tahiti E, les ballets de Tahiti, Te maeva et Heikura Nui.
La troupe est très hiérarchisée. Le chef de danse ou ra'atira, fait office de chorégraphe et de chef d'orchestre. Il dirige les répétitions, choisit les costumes, sélectionne un thème et règle l'emplacement des participants sur scène. Pendant les grands spectacles, il annonce le thème au public et dirige ses danseurs en circulant entre les rangées pour crier ses recommandations. L'oreo annonce le thème au public.
Les danseurs et danseuses les plus expérimentés, appelés pupahu, sont devant le plateau.
Les musiciens font partie intégrante du groupe de danse. Ils sont polyvalents, puisqu'ils chantent, jouent des percussions et des instruments à corde. Ils s'agit exclusivement d'hommes.