LA PERLE NOIRE DES TUAMOTU - POLYNESIE FRANCAISE
Les fermes perlières
Carte maîtresse de l'économie polynésienne, la perle noire (poe rava) résulte de phénomènes naturels et d'interventions humaines complexes.
Les principaux centres producteurs sont situés aux Tuamotu ou aux Gambier.
Manihi, Takapoto, Takaroa, Aruata et Makemo ou Mangareva sont les plus connus.
Si Takapoto est sur le déclin, son lagon sans passe est malade, Takaroa, son voisin est en pleine croissance et alimente en nacre les grands lagons.
Leurs lagons constellés de fermes perlières sur pilotis ont des airs de cités lacustres.
La taille des exploitations varie d'une ou deux personnes à plus de 80 pour les stations industrielles.
A Fakaroa, les 3 principales, sont celles de Paul Yu (50 personnes), Biot et Vaimareva (15 personnes).
A la source de cette activité, la Pinctada margaritifera, une huître qui abonde dans les lagons de Polynésie.
Les coquilles de ce bivalves étaient utilisés aux temps anciens pour la confection de parrures de cérémonie, d'hameçons ou de leurres de pêche.
Au siècle dernier, elles étaient recherchées pour les besoins de l'industrie boutonnière européenne.
Dans les années 60, la surexploitation des bancs naturels et le déclin de la boutonnerie ont sonné le glas de l'activité.
L'élevage d'huîtres pour la production de perles a pris le relais, à l'origine à Manihi.
Le processus de formation d'une perle résulte de l'introduction, accidentelle ou artificielle, d'un corps étranger à l'intérieur de l'huître.
En réaction à cette intrusion, les cellules épithèliales du manteau, l'organe sécréteur de l'animal, vont fabriquer de la matière de la matière nacrière pour isoler ce corps étranger.
Le nucleus se recouvre donc progressivement de nacre.
Si l'introduction se fait de manière naturelle (grain de sable ou de corail, par exemple), on obtient une perle naturelle dite perle fine, rarissime.
La récolte des naissains
Pour l'éleveur, il s'agit de reproduire ce mécanisme naturel.
Tout d'abord, il procède à une élevage méthodique.
L'huître libère à certaines périodes de l'année ses produits sexuels qui sont fécondés en pleine eau.
Après une dérive de quelques semaines, les jeunes huîtres, le naissain, se fixent sur les coraux.
Le perliculteur, en immergeant des collecteurs artificiels dans le lagon, capte le naissain puis l'attache sur des lignes d'élevage sous-marin.
Le système de collection des naissains est une ligne suspendue par des bouées. Cette ligne de 200 m comporte tous les 30 cm, une ombrière, 500 à 600 ombrières au total. Chaque ombrière mesure de 30 à 100 cm.
Les ombrières sont réalisées à la main ou à l'aide d'une machine rudimentaire en bois (60 000 CFP).
Une station vierge s'achète 60 000 CFP. Une station comportant des naissains de 4 cm ou plus, après 8 à 14 mois d'immersion, se vend 1 000 000 CFP.
Les stations sont exploitées sur place ou vendues pour d'autres atolls. Dans ce cas, des bateaux viennent relever les stations. Ils emploient des personnes à la journée, au tarif de 10 000 à 15 000 CFP. Le travail est très dur. Il nécessite 15 hommes afin de relever les 5 à 10 tonnes que pèsent la station et prend 1/2 heure.
La greffe
Les huîtres sont détroquées (détachées) des collecteurs de la station.
Le détroquage d'un collecteur comprennant une centaine d'huîtres prend 2 heure (1 heure à 2 personnes).
Les huîtres sont ensuite nettoyées ; tous les coquillages qui commencent à se développer sur la coquille de l'huître sont éliminées pour diminuer le poids de l'huître, des algues blanches ou autres parasites qui pourraient l'empêcher de respirer aussi.
Une fois nettoyées, les huîtres sont pré-ouvertes et placées à l'intérieur de bourriches en l'attente de la greffe quelques minutes plus tard.
Lorsque les huîtres sont parvenues à maturité, la première étape consiste à sacrifier une huître parfaitement saine, dite huître donneuse.
Un morceau de son manteau est prélevé et débité en une cinquantaine de minuscules lambeaux, les greffons.
La deuxième phase est la greffe strito sensu.
L'huître receveuse est fixée, au moyen d'un support et maintenue ouverte par une pince.
Dans un premier temps, le greffeur, au moyen d'un scalpel, incise par l'arrière la gonade (organe reproducteur) et y dépose le greffon.
Puis il introduit une bille parfaitement sphérique de 6 mm de diamètre environ, le nucleus, dans la gonade pour qu'elle soit en contact avec le greffon.
L'opération ne dure que quelques secondes.
Dès lors, les cellules du greffon se développent autour du nucleus pour former le sac perlier qui, une fois fermé secrétera le matière nacrière.
Les nucleus de différents diamètres viennent du fleuve Mississipi. Ils sont blancs ou jaunes selon qu'ils sont recouverts d'un antiseptique ou non.
Les huîtres greffées sont ensuite percées et enfilées sur un nouveau collecteur et réimmergées dans le lagon, suspendues en chapelets.
Elles sont alors régulièrement inspectées et nettoyées.
Couche après couche, la nacre s'épaissit autour du nucleus, au rythme annuel de 1 mm.
18 mois plus tard, on procède à une première récolte.
Une seconde implantation peut être effectuée avec un deuxième nucleus pour obtenir, 15 mois plus tard, une deuxième perle, plus grosse (15 à 20 mm).
Quand la première perle est enlevée, un second nucleus d'une taille légèrement supérieure est placée au même endroit. Mais l'incision de la gonade a été réalisée à un autre endroit et un nouveau trou est percé dans la coquille afin que lors de la suspension le nucleus ne pèse à l'endroit incisé.
Jusqu'à une époque récente, les seuls greffeurs étaient japonais.
Véritables superstars qu'il fallait entretenir à grands frais, ils sont peu à peu remplacés par des Paumutu qui ont événté le prétendu secret de la technique.
Un bon greffeur fait de 300 à 400 greffes à la journée.
Un centre des métiers de la nacre et de la perliculture a été créée à Rangiroa et assure la formation de futurs perliculteurs.
La formation de greffeurs est ouverte aux titulaires du bac.
Keshis et mabe
Moins connus, le kehsi et le mabe, termes japonais désignant 2 autres produits issus de la culture des perles.
Le keshi est de la nacre pure, une perle sans nucleus.
Il arrive en effet que celui-ci soit rejeté mais que le greffon secréteur continue à produire de la nacre.
Leur diamètre varie de 2 à 8 mm et leur forme est souvent baroque.
Le perliculteur ne le découvre qu'au moment de la récolte.
Ils sont utilisés pour la confections de boucles d'oreilles ou de bracelets.
En revanche, la mabe résulte d'une manipulation volontaire.
Le technicien colle un moule en plastique sur la face interne de la coquille. Ce moule est peu à peu recouvert de couches de nacre.
Après quelques mois, il est découpé avec un disque diamanté et démoulé.
On obtient un mabe pur et creux.
On le remplit de résine epoxy et on soude une plaquette de nacre qui servira de socle.
Ils sont appréciés en bijouterie piur la fabrication de pendentifs, de broches, de clips d'oreilles ou de boutons de manchettes.